Archives du mot-clé Christophe Guénot

De la Casamance à Bercy : la lutte sénégalaise a bien changé

Publié sur RFI.fr
Ils s’appellent Commando, Assurance ou encore Super Etoile. Ce ne sont pas les super-héros de la dernière série TV à la mode mais bien les nouveaux champions de lutte sénégalaise, un art de combat ancestral, devenu aujourd’hui une pratique sportive très populaire et génératrice de sommes importantes au Sénégal. Ces gladiateurs modernes seront au Palais Omnisports de Paris-Bercy, pour le premier gala de lutte sénégalaise en Europe, ce samedi 8 juin 2013. Présentation d’une discipline peu connue en Europe.

lutte senegalaise

La lutte sénégalaise, dite « laamb » en wolof, est très populaire dans la région de la Casamance (sud-ouest du Sénégal). L’histoire raconte qu’autrefois, après une dure journée passée dans les champs d’arachide, de maïs ou de sorgho, les jeunes hommes se retrouvaient sur la place du village pour s’affronter à mains nues, corps contre corps.

Un art de combat traditionnel des plus anciens

Il s’agissait alors de rivaliser de force, faire preuve d’ingéniosité et de ruse pour « allonger » son adversaire au sol. La tradition se perpétuant, la pratique est devenue au fil du temps un rituel qui marque la fin de la saison des pluies. Désormais, on ne se bat plus uniquement pour sa gloire personnelle mais pour les siens et son village. Les lutteurs s’affrontent alors dans des championnats organisés appelés Mbaapat.

A cette dimension sportive se greffe tout un folklore mystique et quasi religieux symbolisé par des rites, des chants et des processions typiques de la culture sénégalaise, mais aussi gambienne. En effet, la région du Sine-Saloum, à cheval sur le Nord-Sénégal et le sud de la Gambie, est aussi un haut lieu pour la pratique de cet art de combat 100% africain.

L’enjeu des ces tournois ? L’heureux vainqueur repart avec du bétail, des céréales et d’autres biens mis en jeu. Au-delà du gain matériel, c’est aussi la fierté de représenter dignement son village mais aussi la naissance d’une forte popularité auprès de la gente féminine. Mais les prix mis en jeu devenant de plus en plus importants, la lutte sénégalaise va dépasser son cadre ludique et traditionnel pour devenir une activité économique lucrative à fort potentiel.

Entrée dans l’ère moderne et explosion économique

Les places de village, de moins en moins adaptées aux exigences du succès populaire et au développement de la pratique, sont vite supplantées par des arènes. Puis les arènes par des stades, à l’aube des années 80. On ne parle plus de prix mais de cachets. Le premier combat organisé dans un stade de football offre une enveloppe d’un million de francs CFA ! Une somme jugée astronomique à l’époque.

Depuis, comme tout sport ultra populaire, promoteurs, publicitaires et sponsors se sont emparés du phénomène. De multiples écuries de lutteurs ont vu le jour à travers le pays, et l’engouement pour cette pratique remporte un franc succès. Si bien que le 4 avril 2010, le montant du cachet pour le choc opposant Yekini, « Roi des Arènes », et Mohammed Ndao « Tyson » atteint les 100 millions de francs CFA. On peut considérer cet épisode comme l’avènement définitif de la pratique dans la culture sénégalaise.

La lutte sénégalaise veut aussi s’exporter en Occident

Aujourd’hui, la lutte sénégalaise est considérée « comme le sport numéro un au Sénégal, et devant le football », selon Ousmane Mbaye, chargé de communication du tournoi de gala de Paris-Bercy. En effet, depuis les résultats insatisfaisants de l’équipe nationale sénégalaise, les jeunes semblent de plus en plus s’identifier à ces athlètes combatifs et volontaires, et la lutte qui pouvait parfois paraître pour certains comme une activité ringarde, regagne ses lettres de noblesse sur le continent noir, notamment en Côte d’Ivoire, au Mali, au Niger mais aussi au sein des diasporas occidentales. Par ailleurs, lors du gala de Bercy, un des combattants attisera la curiosité à coup sûr : l’Espagnol Juan, 1m95 et 135 kilos. Surnommé « le Lion Blanc », il s’est taillé une solide réputation en lutte sénégalaise, en restant invaincu jusqu’à ce jour.

En marge du « grand choc » -dixit l’organisateur- entre Baboye et Bombardier, huit combats préliminaires comptant pour le championnat sénégalais seront présentés au public. Le rendez-vous de Bercy sera d’ailleurs retransmis en direct dans plus de 20 pays d’Afrique. Par ailleurs, la Fédération française de lutte s’associe elle aussi à l’événement. Les frères Steeve et Christophe Guénot, médaillés olympiques à Pékin en 2008, pourraient même participer à une exhibition. Début des hostilités samedi 8 juin à partir de 19 heures.

Lire l’article en entier